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LA MEMOIRE EST-ELLE SOLUBLE DANS LE CIMENT ?

De passage en Limousin, la visite d’Oradour s’est imposée à moi. Mais l’impression laissée par le village martyr est ambiguë : d’un côté la dimension dramatique du lieu, terrifiante et paralysante, de l’autre, les échafaudages qui font leur possible pour maintenir le site dans un état "originel", celui du 11 juin 1944, lendemain du massacre (1).

Se souvenir à Oradour, c’est passer au milieu de cars de touristes, de photographes amateurs heureux d’immortaliser un décor de film. Se recueillir à Oradour, c’est regarder des visiteurs en shorts et sandales, des amoureux s’embrasser. Se balader à Oradour, c’est offrir ce paradoxe de la vie en apparence plus forte que la barbarie. Préserver Oradour, c’est faire acte de résistance, empêcher l’annihilation totale du village telle que les nazis l’avaient souhaitée. Mais c’est aussi modifier la réalité, empêcher un destin funeste et inéluctable.

Oradour-sur-Glane offre aujourd’hui à voir des ruines nettoyées, entretenues. Pour ne pas laisser s’effondrer le lieu, pour que sa disparition du réel ne rime pas avec son évasion des mémoires. On continue à alimenter le flot de touristes peu respectueux de ce fameux devoir de mémoire. Mais on continue aussi à alimenter la manne financière pour le nouvel Oradour, celui d’à côté, des hôtels, restaurants et commerces de cartes postales.

Alors, le village martyr restera ce savant mélange de conservation et d’entretien, à l’horreur pétrifiée. Il ne tombera pas mais petit à petit ses restaurations donneront à la mémoire une couleur faussée. A force de remplacer pierres et ciment, saura-t-on distinguer la réalité de la subjectivité de la mémoire ?

Peut-être que vous ne serez pas choqués, qu'il vous apparaîtra normal que des travaux soient menés pour empêcher Oradour de tomber. Mais
la raison est du côté d'André Desourteaux, survivant du carnage : "Pour moi, Oradour s'est arrêté le 10 juin 1944. C'est tout. Tout le reste après, c'est autre chose." A vous de déterminer ce qu'est cette chose.

Christophe Chohin.

(1) Le 10 juin 1944, une unité de la Division SS Das Reich choisit le village d'Oradour-sur-Glane pour donner une leçon à la résistance qui la harcèle sur la route menant au front normand. En une journée, tous les hommes du village sont abattus. Les femmes et les enfants sont enfermés dans l'église et brûlés vifs. Bilan du massacre : 642 morts, un village entier rayé de la carte.


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