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PEINTURE, PUBLICITE, FELICITE

"Niant toute notion d'éternité, se définissant elle-même
comme processus de renouvellement permanent,
la publicité vise à vaporiser le sujet pour le transformer en fantôme obéissant du devenir.
Et cette participation épidermique, superficielle à la vie du monde,
est supposée prendre la place du désir d'être."
Michel Houellebecq,
Approches du désarroi
in Rester vivant et autres textes

L’habitude a été prise, au cours des matches internationaux de rugby, de badigeonner la pelouse avec les signes des sponsors sur plusieurs mètres carrés – soit l’équivalent de deux Fabien Pellous. Ce fut encore le cas samedi, lors du match France-Ecosse, dans le cadre du tournoi des Six Nations. Les joueurs qui fréquentaient le milieu du gazon, pour peu qu’ils ne restent pas debout à regarder leurs adversaires, se retrouvaient le visage et le corps peinturlurés d’un bleu sale, couleur du sponsor qui avait accepté que son sigle déteigne comme un vieux slip.

Le raccourci serait facile à faire, d’y voir là le symbole d’une société qui se vautre dans sa fange commerciale, qui réduit les hommes à des produits, couverts de marques pareils à une Smart moche débordant de pubs pour des cosmétiques qui ne sentent même pas bon (1).

Sauf qu’à mondecruel on n’est pas du genre à dénoncer vainement les travers du capitalisme. Et ce n’est pas parce que personne n’a pensé à nous inviter au forum économique de Davos que nous devrions nous perdre en discours démagogues.

Et pour dire vrai, il y a même là une idée drôlement bien qu’il ne faut pas repousser d’emblée.

Prenez le foot par exemple. La décoration des terrains se limite actuellement à quelques lignes blanches, ce qui peut être utile pour distinguer un penalty d’un simple coup franc mais à part ça on voit pas vraiment à quoi ça sert. Imaginons maintenant que le terrain soit imbibé des peintures ineptes des divers partenaires financiers. Une telle initiative pourrait avoir un effet absolument incroyable : empêcher – peut-être – que des joueurs, effleurés au niveau du protège-tibia, n’effectuent une douzaine de roulades dans l’herbe en poussant des cris grimaçants à peine couvert par le froufrou des brins d’herbe. Ce serait une révolution ! Qui, en effet, aimerait que son maillot ressemble à un mélange de colorants qui ferait pâlir de jalousie une bouteille de Sunny Delight, qui aimerait que son visage plus coloré qu’un Arlequin alors que la plupart des footballeurs ne sont que de simples clowns ?

Mais il n’y a pas que le foot. Imaginons les rues couvertes de peintures moites : il n’y aurait personne pour aller manifester les pieds collants et puants. Couvrons les pauvres dans la rue, ils seront déjà embaumés dès les grands froids arrivés.

Peignons, peignons mes frères, et je vous parie qu’un monde en couleur effacera les tons ternes de l’intelligence !

Sylvain Ztein. 

(1) Là, par exemple : http://www.automag.be/IMG/gif/smart_coiffure.gif. La seule voiture qui me fait aimer Claude François et me donne envie de chanter "Si j’avais un marteau".