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ET POURTANT ELLE BOUGE

« Vous êtes beaucoup trop belle pour qu’on vous aime vraiment.
La beauté est une exception, une insulte au monde qui est laid.
Rarement les hommes aiment la beauté,
ils la pourchassent simplement pour ne plus en entendre parler,
pour l’effacer, pour l’oublier… »

Marcel Carné et Jacques Prévert, Les enfants du Paradis

Lara Croft a choisi de s’écarter des succès de sa cousine Fabian et de sa mère Catherine. Non, la musique, c’est pas son truc à cette Lara là. Ses atouts sont ailleurs. Maniant le pistolet comme Catherine le violon, Lara impressionne les hommes depuis le premier jour. C’était sur Playstation il y a sept ans. De longues années à sauter de plates-formes en plates-formes en quête d’objets mythiques incertains, poursuivie par tout ce que la terre compte de méchants à l’accent allemand. L’ange des ténèbres marque son retour mais n’a aucun intérêt à part celui d’admirer des formes parfaites (quelque chose comme un irréel 110-45-95).

Mais là n’est pas la question. La fin de l’Histoire est proche, n’en déplaise à Paco Rabanne. La fin de l’Histoire est même contenue dans ce jeu. Oui, si l’évolution devait avoir une fin, elle serait Lara Croft. Il aura fallu 5000 ans, des guerres, des progrès et des regrets pour parvenir au summum de la technologie, au parangon de la représentation humaine. L’homme a marché sur la Lune, vaincu les pires maladies, donné à son côté barbare les plus effroyables reflets. Mais jamais à ce jour, jamais il n’avait réussi à animer en temps réel la poitrine d’une créature virtuelle. Enfin elle bouge. Ses seins se meuvent en même temps que son corps et ne sont plus deux sphères sans vie comme lors des cinq précédents épisodes. Comble de la perfection, Saint Graal du programmeur et du nerd (1), la poitrine de Lara Croft a ce côté réel que la poitrine de Lolo Ferrari n’avait pas.

Einstein l’avait déjà prévu : « la sphère se distingue de toutes les autres surfaces fermées par la propriété que tous ses points sont équivalents. » (1) Appliqué à l’informatique, on obtient Lara Croft suite de sphères parfaites et aujourd’hui animées.

Icône postmoderne, virtualisation absolue de notre monde, cette Lara Croft sixième génération atteint le paroxysme de la futilité et du gâchis. On ne joue plus à la poupée, on ne joue plus aux jeux vidéo, on regarde sur son écran l’incarnation de la vacuité. Là où un rapide coup d’œil à Star Academy ou Greg le Millionnaire suffirait. Certes mais virtuellement, tout est tellement plus transgressif. Toujours désirer ce qu’on ne peut avoir. Et confirmer les dires du Dr Angelo Hesnard : « Pour atteindre à ce but extrême de son instinct, la femme mettra désormais en œuvre toutes les ressources de sa plastique corporelle et de ses séductions psychiques. Elle inaugure cette lutte éternelle des sexes où, toujours la plus faible, elle sera toujours triomphante par l’instinct. » (2)

Christophe Chohin.

(1) Le nerd est cette créature étrange, pale, qui vit cloîtrée chez elle devant son ordinateur, se nourissant de pizzas et de sexe vituel. Un mâle ayant voué sa vie au dieu binaire.

(1) Albert Einstein, La Théorie de la relativité, Petite bibliothèque Payot, 1964

(2) Angelo Hesnard, La sexologie, Petite bibliothèque Payot, 1962