LA SECONDE MORT DE
TESSA MARTIN
"Un
bavardage insignifiant, un commérage nébuleux, l’évidence
de ma propre
décrépitude et sur une vaste échelle. J’ai
planté le manuscrit sur la table,
et je suis montée en courant, les joues en feu, vers L.
Il me dit : ‘C’est toujours comme ça.’
Mais je pensais : ‘Non, cela n’a jamais été
aussi mauvais.’"
Virginia Woolf, Journal d'un écrivain
Nous
avons déjà dit, ici, combien le premier clip de Tessa
Martin était nul. M6 s’était d’ailleurs empressé
de le retirer de son site, comme un vieux poil disgracieux qu’on
arrache à la va-vite, malgré l’étonnant air
de maturité qu’il donne à Sandrine Ferrer.
La chanson n’était sans doute pas plus intéressante
: interprétée sans talent, accompagnée d’une
chorégraphie que n’aurait pas désavouée Christopher
Reeves, elle avait tout d’un Graine de stars qui aurait puisé
dans le préservatif de Patrick Topaloff plutôt que dans
celui de Jonatan Cerrada.
Toutefois, ce clip possédait une qualité que, à
l’image d’un string après une diarrhée tropicale,
on pourra difficilement lui ôter : il offrait un visage à
la reine du “t’chat”. Le spectateur ne vivait pas
les affres du “syndrome Casimir” qui poussa une génération
de téléspectateurs à se demander qui se cachait
sous les traits du gros monstre orange, sous la barbe du Père
Noël, ou sous le masque de Monsieur Herpès que maman appelait
tonton pour brouiller les pistes.
Ah !, quelle
consternation, alors, de découvrir le nouveau clip de Terriblement
efficace (1) ! Du même geste de main
qui chasse un employé de bureau ou l’odeur d’un prout,
Tessa Martin disparaissait pour de bon, et avec elle une certaine idée
de la dérision. Une animation minable prenait sa place, deux
bonshommes en fils de fer qui font passer Olive et Tom pour Les Footballeurs
de Nicolas de Staël, voire pour Les Lanceurs de poids de Mesure.
La voix même
de Tessa était épurée, vidée de ses accents
juvéniles. Voilà de la chanson professionnelle ! Voilà
ce que demandent les jeunes ! Tessa Martin mourait une seconde fois,
réduite à une mélodie lointaine qui ne ferait plus
rire les adolescents ; car ils auraient été capables de
garder une cassette vidéo sans éprouver le besoin d’acheter
le single, ces imbéciles !
Ils
n’ont toujours pas compris que la seule tête qu’il
faut se payer, c’est la tête des ventes.
Sylvain
Ztein.
(1)
Pour voir le clip, cliquez ici