PAUVRE
INGRID BETANCOURT

Laurent
Halapige est journaliste.
Il aurait voulu s’appeler Laurent Cédéhi
mais ses origines familiales comme son désir trop évident
d’être harcelé sexuellement l’en ont empêché.
Il se fend ici d’un texte subversif
que lui autorise sa fréquentation de la machine à café
de France Inter.
Est-ce
qu’on peut nous lâcher deux secondes avec Ingrid Bétancourt
?!
Autre manière de poser le problème : à part ses
anciens camarades de Sciences-Po, qui en a quelque chose à faire
du sort de cette jeune femme de très bonne famille colombienne,
retenue par les narco-marxistes des FARC (Forces armées révolutionnaires
colombiennes) ?
Il y a quelques jours, son éventuelle libération revenait
à la une de l’actualité, à l’occasion
d’une embrouille jamesbondesque dans l’art desquelles nos
services secrets sont passés maîtres. La France avait envoyé
dans la région un avion médicalisé pour récupérer
ladite Ingrid.
Quelle débauche de moyens !
Au risque d’être un tant soit peu didactique – et
donc de rompre avec le parti pris volontairement je-m’en-foutiste
de ce site –, arrêtons-nous un instant sur cette affaire.
Entre 600 et 800 personnes sont retenues par la guérilla colombienne,
selon les estimations. A part celui d’Ingrid Bétancourt,
qui peut dire qu’il a entendu le nom de l’un d’entre
eux dans les médias, ou même la seule mention de ce chiffre
? Sa fille elle-même, plus digne que la plupart des journalistes
qui en parlent, affirme que "l’enlèvement est
une véritable industrie en Colombie" (1).
" Certes, mais Ingrid Bétancourt n’est pas n’importe
qui dans son pays", entends-je. En effet, ce n’est pas
seulement pour éviter les répétitions ( ! ) que
les journalistes abusent de la périphrase "l’ancienne
candidate à la présidentielle dans son pays"
lorsqu’ils parlent d’elle. Malin : ça donne du poids
à la personne enlevée (une parmi des centaines, je le
rappelle), et c’est censé justifier l’intérêt
qu’on porte à son sort. On comprend alors pourquoi il est
indécent de préciser son score : 0,49% des voix (2).
Si Jacques Cheminade était enlevé par les indépendantistes
corses, cela ferait-il la une de la presse sud-américaine ? La
triste réalité est là : aussi "intelligente",
"courageuse", "visionnaire", "combattive"
soit-elle, les Colombiens se foutent royalement d’Ingrid Bétancourt.
J’en vois déjà qui trépignent devant leur
ordinateur : "Oui, mais c’est pas pareil : elle est un
peu française". C’est vrai. Ingrid Bétancourt
a la double nationalité franco-colombienne depuis son premier
mariage avec un diplomate français. Ce qui appelle, d’abord,
un ouf de soulagement : si je comprends bien, heureusement que sur les
800 prisonniers retenus en Colombie, il y a une française, sinon
on n’aurait jamais parlé de ce fléau. Et puis, c’est
plutôt qu’au cours de ses études en France, à
Sciences-Po Paris, elle a rencontré les bonnes personnes, celles
qui vous donnent de l’importance... notamment un certain Dominique
de Villepin, ministre des Affaires étrangères de son état.
Sans parler de l’empathie de tous ces journalistes qui ne pleurent
son sort que parce qu’elle a fréquenté les mêmes
bancs qu’eux.
On en viendrait presque à succomber au syndrome de Stockholm
: pauvres guérilleros des FARC, obligés de supporter cette
fille bien inutilement starisée.
Laurent
Halapige.
(1) Environ 3000
personnes sont enlevées chaque année et parfois libérées
contre une rançon. www.edicom.ch/magazines/femina/epoque/pr_betancourt.shtml
(2) Dépêche
latinreporters.com, 27 mai 2002. www.latinreporters.com/colombiepol27052002.html
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